dimanche 28 janvier 2018

Weekend à Shanghai

    Les grandes villes occidentales possèdent toutes leur quartier asiatique. Pour certaines comme San Francisco ou New York ces chinatowns sont des villes dans la ville; suscitant la curiosité, la méfiance, et tous les fantasmes. De nombreux films ayant bercés mon adolescence comme "Gremlins", ou encore le cultissime "Jack Burton dans les griffes du Mandarin" du maître John Carpenter, entretiennent le mythe d'une chinatown mystique et surnaturelle.  On s'attend à y trouver Gizmo au fond d'une boutique poussiéreuse tenue par un mystérieux vieillard, ou encore tomber au détour d'une étroite ruelle sur une bataille rangée opposant esprits et mages orientaux.

Sunset sur le Bund
  Et bien Shanghai c'est une chinatown grandeur nature, de 30 millions d'habitants, mais dont on ne connaît pas grand chose finalement; même l'agent secret le plus célèbre au monde a attendu Skyfall pour venir y traîner ses gadgets. C'est donc parti pour un grand weekend dans la sulfureuse "ville sur la mer", théâtre des guerres de l'opium.

C'est parti pour l'exploration 

Keep it simple

    Quand je voyage loin et que donc, corollaire, il y a une certain décalage horaire avec la France, je fais au plus simple pour éviter les galères. Ayant  trouvé l'hôtel réservé pour le taf sympa et idéalement placé, je l'ai prolongé à mes frais pour mon weekend perso en via mon site de reservation habituel. Puis je suis allé leur expliquer que je gardais la chambre mais avec une nouvelle résa: entorse au règlement "keep it simple" car j'ai tout compliqué et y a eu panique à bord au desk. Il aurait fallu aller a l'accueil, faire mon check out de la résa taf, aller déjeuner dans le coin, puis revenir faire mon checkin.

La petite rue devant mon hôtel au matin dans le fog
    Only in Shanghai: j'ai trouvé une mystérieuse lettre dans ma chambre écrite par une femme de ménage qui me racontait qu'elle avait déduit que j'avais un ordi, et que donc elle me mettait à dispo un tapis de souris. Sauf que si j'en juge mes échanges, ni les femmes de ménages ni même les hôtesses d'accueil n'avaient le niveau en anglais pour écrire cette lettre. 

Cimer
   Alors qui et pourquoi ? J'ai ma petite idée mais je laisse le bénéfice du doute à la version de la gentille house-keeper qui prend soin de son client. Direction maintenant l'ancienne concession Française pour commencer mon exploration. Pour se déplacer le métro est la meilleure option. Peu cher et très performant, il permet de se projeter partout très vite.

La ligne 2
      Autre chose bluffante: des écrans courent le long des tunnels et permettent de balancer de la pub. Les pubs se calent sur la vitesse du train et le suivent; pour le voyageur, l'écran à sa fenêtre est immobile.  

Le film se cale sur la vitesse du train et le suit

L'ancienne concession Française

     Juste un peu d'histoire qu'on apprend pas forcément à l'école: au 19ième siècle les anglais exportaient massivement en Chine de l'opium produite en Inde. Lorsque les autorités chinoises ont voulu stopper ce trafic illégal, une "guerre de l'opium" les a opposés au Royaume-Uni et alliés (dont nous), guerre que les chinois ont perdu.


Balade dans l'ancienne concession française

    En conséquence les autorités chinoises ont du accepter la commercialisation de l'opium (financée au passage par la banque HSBC) et quelques autres traités dits inégaux, comme la gestion administrative de certains quartiers par des puissances occidentales. L'ancienne  concession française qui se trouve juste au sud-est dans l'hyper centre, est aujourd'hui sans doute le quartier le plus agréable de la ville.

Le calme de l'ancienne concession française
Belle inconnue aux vélibs

L'ancienne concession Française - Xintiandi et Tianzifang

    Épargnée par les grandes tours, l'ancienne concession héberge aussi des vieux quartiers qui ont échappé aux bulldozers, et qui sont aujourd'hui très prisés des locaux et des touristes.  

Beaucoup de succès pour le quartier de Tianzifang, ses boutiques et sa street food 
Une petite faim ?
Les portraits en découpe papier

    Pour les sorties le soir Xintiandi est le spot idéal, longtemps réservé aux visages pâles aujourd'hui les chinois en profitent majoritairement. Ce qui est assez drôle c'est que les jeunes sont plutôt réservés, c'est les vieux qui font décoller la soirée après quelques bières, et les jeunes finissent par venir participer.

Xintiandi, pour les sorties

     J'ai passé d'ailleurs une soirée assez sympa, arrivé seul la barmaid m'a placé devant la scène à la table d'un chinois en lui demandant de me faire une place. Le gars n'a pas osé refuser sauf qu'il attendait une "date", donc je lui ai gâché un peu la soirée quand la miss a débarqué et qu'on s'est retrouvé serrés tous les trois. 

Le Musée de l'affiche de propagande

     A l'ouest de la concession on peut trouver une pépite : le musée de l'affiche de propagande. Ces dernières années les autorités en place ont pris le parti (c'est le cas de le dire) de faire disparaître toutes ces affiches qui ont accompagné l'histoire de la Chine depuis la création du parti communiste jusqu'à la guerre froide. Heureusement une poignée de passionnés en a sauvé quelques centaines, et les expose au sous sol d'un immeuble d'habitation au cœur d'une résidence, pas facile à trouver.

Propaganda
  On parcourt toutes les périodes au travers de ces affiches qui sont annotées, parfois même en français, pour donner quelques explications. C'est souvent drôle, et en sortant on se rend compte que les mêmes techniques sont utilisées aujourd'hui dans les affiches publicitaires.

Les centres commerciaux

   L'ancienne concession héberge également certains des plus grands centres commerciaux. On y trouve enseignes de luxe, grands restaurants, et une certaine concentration de jolies filles. La Chine est entrée dans la grande consommation au moment ou nous allons sans doute commencer à penser en sortir. Les malls sont démesurés, nos Printemps et autre Galeries Lafayette sont presque relayés au rang d'épiceries de quartier. 

Mall IAPM dans la concession, luxe à tous les étages

La cuisine

  Avec sa taille et ses multiples régions, l'offre culinaire est plus que variée. On est bien loin de nos restos chinois "Palais d'Asie, dégustation sur place ou à emporter...", ici les établissements sont plus ou moins spécialisés par régions. 

La couleur rouge typique de la cuisine épicée du Sichuan, ma préférée
   Certains restos sèment de petits indices sur le type de plats qu'ils proposent.

Tiens il a l'air marrant ce resto, j'espère que les plats ne sont pas trop épicés...

    D'une région à l'autre les saveurs changent radicalement. Mais globalement c'est une cuisine qui n'est pas faite pour manger seul, les plats sont trop copieux donc dans l'idéal il faut être cinq convives et en partager trois (dit théorème de Niko).


Les samossas à l'agneau de la cuisine Bai rappellent la cuisine nord africaine
   Niveau budget on mange très bien entre 5 et 10 euros, si on commence à rajouter bière ou vin ça double. Coté raviolis il y a aussi l'embarras du choix, dans la concession à Xitiandi on peut trouver "Din Tai Fung" le spécialiste: la maison mère à Taiwan  a même reçu une étoile au Michelin. Il y a toujours un peu d'attente, on peut s'asseoir dans le couloir en attendant d'être appelé au micro, tarif entre 15 et 20 euros avec la boisson.


Attente pour Din Tai Fung
On peut même trouver de l'Asahi japonaise qui change un peu de la Tsingtao chinoise un peu fade

Le M50

  Au nord de la concession, assez proche de mon hôtel, on peut trouver le M50, un squat artistique au cœur d'une ancienne usine textile désaffectée. La crème de l'art contemporain a  investi les lieux et expose ses oeuvres aux bhô-bhô shanghaïens et aux visages pales en visite.

M50, un labyrinthe dédié à l'art contemporain
     Il y a quelques petits squats artistiques sur Paris mais rien d'équivalent à cet immense lieu. Contrairement à chez nous ou on aime bien s'y balader mais on achète peu, ici les nouveaux riches sont friands d'acquérir les signes extérieurs de leur nouveau status, les artistes peuvent espérer faire de belles ventes.

Bobos locaux
    Le M50 est un lieu où on peut se perdre, on est totalement livré à nous mêmes, il n'y a qu'à pousser les portes pour pénétrer les univers.

Balade sur les corniches du M50
   Un excellent début de weekend dans la ville où tout est permis, à suivre la vieille ville, les temples, et Lujiazui le quartier des grandes tours.

   Xiexie
   N.

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