jeudi 9 janvier 2020

Des Invalides, des Playmobils, et le Maréchal Ney

   Je ne peux débuter ce premier article qu'en vous souhaitant à toutes et tous une bonne et heureuse année 2020, plein de bonnes choses, sans oublier de jolies balades à la découverte de notre beau patrimoine. Je ne sais pas si le pays a besoin d'être réformé, mais ce dont je suis convaincu c'est qu'il a besoin d'être apaisé et réconcilié; j'espère donc que cette nouvelle année rimera avec bienveillance et considération. 

Expo Playmobil, En Avant l'Histoire
   Alors pour commencer 2020 nous allons remonter dans la carte postale, direction l'Hôtel des Invalides et son dôme si caractéristique, qui brille de mille feux quand le soleil s'invite sur la ville, et qui au passage héberge le tombeau de Napoléon

Dôme des Invalides sous un soleil d'hiver
     Pour la petite histoire, c'est Louis XIV qui a fait construire cet hospice, officiellement pour que les invalides de guerre puissent y passer leur retraite (régime spécial?), sans doute avec l'idée politique de sortir ces invalides de la rue où ils commençaient à affluer avec la Guerre de Trente Ans, et à créer beaucoup de problèmes à la population.

Sous le dôme, la nuit
     Aujourd'hui l'Hôtel de Invalides reste une étape incontournable d'une première visite de Paris; outre le tombeau de Napoléon l'ancien pensionnat héberge le Musée des Armées, et temporairement une exposition reconstituant des grandes scènes de l'Histoire de France à l'aide de … Playmobil

Mon tableau préféré revisité
     Alors si parfois lors de réunions taf on récupère des busines cards singulières ou poétiques,  du genre "Business Incubator" ou encore "Chief Happiness Officer", la carte qui doit mettre tout le monde d'accord en terme d'originalité est probablement celle de Richard Unglik, l'un des organisateurs de l'exposition, qui se présente comme "artiste spécialisé dans la création assistée par ordinateur de tableaux historiques en Playmobil"... ce qu'on peut appeler une niche. 

La superbe salle Turenne héberge l'exposition
  Des joutes du moyen âge jusqu'à la libération, en passant par le siège de La Rochelle, la campagne d'Egypte ou encore le sacre de Napoléon, ce ne sont pas moins de trois mille figurines, formant onze tableaux, qui ont pris possession de la salle Turenne, l'ancien réfectoire des pensionnaires.

   Et pour accompagner la balade je vais vous raconter une légende, totalement réfutée par les historiens, mais dont j'aime bien imaginer qu'elle soit vraie: la fausse exécution du maréchal Ney, le Brave des Braves de Napoléon 1er. 


    Ambiance "Du haut de ces pyramides Playmobil, quarante geeks vous contemplent" c'est parti…

Acte 1 - Ney, le Maréchal

    
     Si vous habitez Paris, vous avez forcément circulé au moins une fois sur les fameux boulevards des Maréchaux, qui ceinturent la ville, qui portent tous le nom d'un maréchal d'empire. Parmi eux Michel Ney, grand gaillard rouquin d'origine modeste, va rapidement monter les échelons de l'armée pour être promu avec la première fournée des maréchaux de la Grande Armée Napoléonienne, armée redoutable qui va s'illustrer sur les champs de batailles de toute l'Europe.

   Le maréchal Ney est vite considéré comme compliqué, colérique, limite ingérable, et il va vite se mettre à dos tout le gratin militaire. Mais son courage exceptionnel et les victoires qu'il va enchaîner aux côtés de Napoléon, surtout pendant la campagne de Russie où l'armée française va se retrouver en immense difficulté, va définitivement asseoir la réputation de celui qui sera nommé par l'empereur prince de la Moskowa

La vie de Château
    Sa fidélité pour Napoléon  a quand même ses limites car, lors de l'abdication de l'empereur et son départ en exil, Ney va être un des premiers à se mettre au service du roi Louis XVIII fraîchement remis sur le trône. Les Bourbons sont de retour.

     Aussi lorsque Napoléon s'échappe de l'Ile d'Elbe et débarque en Provence avec une poignée de fidèles pour les fameux 100 jours, le maréchal Ney promet au Roi de lui ramener le chef de guerre Corse dans une cage de fer… 

     Mais au lieu de cela il va finalement rallier l'Aigle et l'accompagner dans son vol, de clocher en clocher, jusqu'à Paris. Les deux hommes vont se bouder car Napoléon a du mal à pardonner la trahison de son maréchal, mais il le rappelle en urgence lorsqu'il faut monter à la rencontre des armées anglaises de Wellington et prussiennes de Blücher qui déboulent en nombre dans le but de se débarrasser définitivement de ce voisin gênant. 

Bastille, mind the gap between the train and the platform
     La dernière bataille, celle de trop. Ney va comme à son habitude tout tenter dans l'enfer de Waterloo.  Blessé à plusieurs reprises, il va se faire tuer cinq fois son cheval lors de charges aussi héroïques que peu inspirées. Un enchaînement incroyable de bourdes et de malchances va finalement faire pencher en fin de journée la victoire du coté anglais, c'est le crépuscule pour l'Aigle et la déroute pour la Grande Armée

     Ney va fuir et tenter de passer en Amérique, mais il va se faire arrêter par les forces fidèles au roi qui est de retour aux commandes en mode agacé. Pour le maréchal c'est la condamnation à mort, il sera fusillé près des jardins du Luxembourg et enterré à l'aube sans cérémonie, sans même son épouse. 


     Fin de l'acte 1...  


Acte 2 - Ney, l'instit'

    
     Peu de temps après, dans un petit village de Caroline de Sud, les habitants voient débarquer un nouvel instituteur qui impressionne beaucoup, Peter Ney. Grand gaillard rouquin d'une cinquantaine d'années, le nouvel instituteur connaît très bien la France, et semble même avoir servi dans l'armée de Napoléon. Le nouvel instituteur se fait vite une place dans la communauté. Il reste plutôt évasif sur son passé, mais comme il a tendance à picoler il se laisse parfois aller à des confidences, évoquant des personnages français célèbres comme s'il les avait côtoyés, enchaînant les "vous avez le même regard qu'Hortense de Beauharnais" et autres "votre habit me rappelle Madame de Staël…".  

Le sacre de Napoléon
      Un soir où il a taquiné la bouteille plus que de raison, il va lâcher à un habitant qu'il n'est qu'autre que le célèbre maréchal Ney de France,  ce qui va créer la stupeur au sein des villageois. Il est vrai que l'instituteur a le corps couvert de cicatrices, que comme le maréchal il joue très bien de la flûte, et que c'est un excellent cavalier. 

   Peter Ney va même s'évanouir en cours lorsqu'il apprendra en 1921 la mort de l'empereur, allant même jusqu'à essayer de se suicider. Finalement en 1846, sur son lit de mort, ses derniers mots à l'attention de son médecin seront "I am Marshal Ney of France"...


La campagne d'Egypte

Un peu de théorie du complot…

    
     Alors comment expliquer qu'un maréchal de France fusillé à Paris ait pu finir instituteur aux Etats-Unis, voici la version théorie du complot…. 

   Le maréchal Ney était très respecté par ses adversaires pour son courage, il était de plus  franc-maçon comme beaucoup de soldats de l'époque, y compris le général Wellington, chef des armées coalisées et vainqueur à Waterloo. Ida Saint-Elme, la maîtresse de Ney, belle aventurière et courtisane notoire, serait alors partie persuader Wellington de sauver le maréchal.

C'est la Berezina
   Wellington aurait orchestré la fausse exécution. Ney, qui avait étrangement les mains détachées, aurait fait exploser des poches de faux sang sous la chemise en se frappant la poitrine juste avant que le peloton ne tire à blanc (ou à côté s'ils étaient de mèche), en criant son "soldats droit au cœur !". Il est avéré que Ney s'est écroulé de façon théâtrale, face contre terre, sans se recroqueviller sur lui-même comme font, parait-il, tous les fusillés. 
     
   Pour la suite on aurait enterré au plus vite et sans témoin un cercueil vide, pendant que le maréchal partait pour le nouveau monde sous une nouvelle identité. Chose troublante, lorsqu'il a fallu plus tard déménager la tombe officielle du maréchal Ney, le fossoyeur du Père Lachaise a raconté que le cercueil était vide. 
   
Grande Guerre
    Les américains ont diligenté une enquête (comme on dit sur CNEWS) en 1950 sur cette légende, et malgré certains témoignages concordants, des études graphologiques et des coïncidences troublantes, il a été conclu qu'aucune preuve irréfutable ne pouvait accréditer cette théorie, et que donc on restait sur l'histoire officielle : le maréchal Ney a bien été fusillé à Paris le 7 Décembre 1815

Avant de partir, un  détour par le tombeau de Napoléon
        Ceux qui défendent la thèse officielle avancent que pour une nouvelle identité on n'aurait pas repris le même nom, qu'il y avait beaucoup de monde lors de l'exécution, que les villageois qui prétendent que Ney avait un excellent français ne le parlaient pas eux-mêmes, que ses écrits montraient une éducation plutôt anglo-saxonne, et qu'il n'avait jamais tenté d'entrer en contact avec les autres anciens généraux de la Grande Armée exilés aux US

          Instituteur mythomane ou coup monté maçonnique, chacun se fera son idée.

          Pour finir, Peter (Pierre) était le prénom du père du maréchal Ney

          Bonne soirée

          N.