dimanche 21 juillet 2019

Retour à Paris, le mystérieux Marché des Enfants Rouges

     Fin de l'escapade tourangelle, de retour à Paris nous allons un peu délaisser la carte postale pour replonger dans le Paris underground, direction le Haut-Marais à la découverte du plus vieux marché couvert de la ville, le mystérieux Marché des Enfants Rouges.  

      Entre produits bios et guinguettes branchées, je mets inconditionnellement le lieu à la carte de toute visite de la ville lorsque j'enfile mon uniforme de guide, ambiance "Et avec ceci ?" c'est parti...

Bienvenue aux Enfants Rouges


Direction le Haut-Marais

    
     Pour découvrir le marché il faut s'aventurer dans le Haut-Marais, petit triangle en vogue autour de la rue de Bretagne, qui comme son nom l'indique délimite au nord le quartier historique du Marais

La mystérieuse entrée du Marché
     Le Haut-Marais c'est un peu le fief des "beautiful people". On y croise beaucoup de trentenaires branchés, plutôt aisés, au fait de toutes les nouveautés. Ici on fait tout en trottinette, on a des enfants qui savent également "trottiner" avant de savoir marcher, et qui sont même capables de livrer tout seuls un sac de fringues à l'Emmaus du coin.  

Le plus vieux marché couvert de Paris 
    Ici on aime l'art et l'écologie, on trie vraiment ses déchets (pas juste poubelle ou par la fenêtre), on mange healthy même si on picole comme partout, on s’intéresse à la politique et aux idées progressistes, on est open-mind mais on supporte mal la vulgarité, dont le comble est peut-être de dire à un artiste lors d'un vernissage "j'aime beaucoup ce que vous faites". 

Les guinguettes proposent une cuisine du monde  
     Ici on s'habille causal chic, on peut même porter avec classe des mocassins bleu-pétrole à crampons rouges, que si je les passe moi, j'aurai tellement l'air suspect, qu'à l'heure des arrestations préventives c'est la garde à vue assurée.
  

Le Marché des Enfants Rouges


     Au cœur de ce Haut-Marais on peut donc trouver la pépite, le Marché des Enfants Rouges, le plus vieux marché couvert de Paris, qui exerce depuis le début du 17ème siècle. Retour sur l'époque pour se faire une idée, le pays est encore empêtré dans les guerres de Religion, Henri IV vient d’être assassiné par François Ravaillac, le roi Louis XIII est trop jeune pour gouverner, c'est sa mère Marie de Médicis (petit lien avec l'article précédent sur Léonard) qui assure la régence.

     Je reviendrai à l'occase sur Henri IV, mais je tiens quand même à signaler que contrairement à ce que raconte la légende (et parfois même l'école) il n'a jamais inventé la recette de la poule au pot, il a simplement déclaré qu'il mènerait une politique "de sorte que chaque paysan puisse mettre une poule dans son pot..."

Un des endroits à succès: l'Estaminet 
   Le marché tient ton nom d'un établissement voisin pour orphelins créé un siècle plus tôt par la sœur de François Ier, l'Hospice des Enfants Rouges, lieu où les enfants portaient tous une cape... dont je vous laisse deviner la couleur. La ville est alors en pleine expansion, et il faut bien alimenter en viande et en lait ces nouveaux quartiers.

Et avec ceci ? 
   Le marché va survivre tant bien que mal aux événements qui vont rythmer l'histoire de la ville, mais va risque de disparaître définitivement lorsque le maire de l'arrondissement, qui capte bien l'air du temps, va décider de raser cette halle vieillotte pour en faire un super parking bien bétonné.

 Grosse levée de boucliers des habitants soutenus par des artistes (dont l'incontournable Tavernier), le maire a disparu de la circulation depuis et on ne le regrettera pas. Son successeur, qui espère sans doute s'inscrire dans la durée, va entreprendre de restaurer le lieu, et depuis la réouverture, le marché ne désemplit pas. On vient du monde entier pour se balader dans cet endroit hors du temps (comme on dit dans les reportages télé sur le patrimoine ) et déjeuner dans une des guinguettes branchées, à base de produits frais.



En mode politique engagé, on refait le monde
En mode au calme, on construit la suite
 
En mode food-truck, on a faim bordel ! 

Voyage aux Antilles, Le Corossol    

  
     Comme souvent (pour ne pas dire toujours) j'ai mon QG coup de cœur, et ici c'est le traiteur afro-antillais Corossol qui a retenu toute ma sympathie. Il propose une petite formule à base de cocktails locaux et d’accras ou autres produits du coin, qui termine merveilleusement une balade immersive, autant bien sous la pluie que sous la canicule.

La paillote du Corossol
  L'hiver dernier j'avais demandé à la patronne quand elle prévoyait ouvrir aussi le soir, elle m'avait répondu aux beaux jours. J'avais enchaîné un truc du genre "super, mars, avril ?" et elle m'avait répondu un peu étonnée "et bien aux beaux jours, quand il fera beau". 

La formule magique
   Si vous passez vers République ou dans le Marais, n’hésitez pas à aller découvrir ce mystérieux marché, et goûter à l'une des nombreuses spécialités. Du restaurant marocain au bar à vin, en passant par le comptoir japonais, ce sont plus d'une vingtaine de stands qui vous y attendent, toutes les infos ici.


La nuit tombe sur les Enfants Rouges
  A suivre : que faire à Paris cet été, les expos et autres événements du moment, et peut être même une balade en bateau sur les canaux.


Captain Niko

Bonne fin de weekend

 N. 

samedi 6 juillet 2019

Sur les pas de Da Vinci

     Je vais commencer cet article par une pensée pour Romain, un bon collègue doublé d'un bon camarade, qui a disparu brusquement la semaine dernière. Après le choc vient le temps des réflexions sur la gravité que l'on donne parfois à des choses tellement futiles, auxquelles on surréagit, alors que l'important est ailleurs.
 
Les jardins du Clos Lucé
    Je ferme le ban et retourne à mon escapade du week-end. Je souhaitais colorer mes articles d'un peu plus d'Histoire de France, j'avais un sujet en tête mais je le garde au frais en période de canicule, et je vais donc profiter de ma visite au Clos Lucé pour vous parler un peu de son hôte le plus célèbre: le mystérieux Leonard de Vinci.

    Ambiance "Tiens ils m'ont surnommé Disciplus Simplex au boulot, ça ressemble à du Latin c'est bon signe non ?" c'est parti... 



Le Château du Clos Lucé

Un maître fantasque

    
     Si lors de votre entretien annuel, votre boss (ou N+1, si vous avez déjà atteint le très convoité rang N) vous reproche gentiment de lancer plus de projets que vous ne pouvez décemment en mener, vous pouvez toujours argumenter que c'est bien là votre côté  Leonard de Vinci, côté qu'il faudrait d'ailleurs penser à (re)valoriser à l'occasion.

    En effet, le Maestro acceptait toutes les commandes, en commençait peu, traînait beaucoup, et n'en terminait quasi aucune.
 


Paysage vivant
     Les moines de Santa Maria delle Grazie, qui ont été privés de réfectoire pendant les nombreuses  années au cours desquelles Leonard était censé y peindre La Cène, s'arrachaient le peu de cheveux qu'il leur restait sous la tonsure en voyant le Maître  prendre les pinceaux juste quelques minutes par jour, pour vite retourner à ses occupations favorites, comme observer le vol des oiseaux, ou encore réfléchir à comment faire progresser une armée sous l'eau.
  

 Des débuts compliqués

  
     Allez, on remonte dans le temps jusqu'au milieu du 15ème siècle pour nous retrouver en Toscane,  le berceau de ce qu'on appellera plus tard la Renaissance. Le petit Léonard vient de naître d'une liaison illégitime entre un riche notaire et, sans doute, une jeune paysanne. Le padre ne va pas le reconnaître, encore moins l'élever,  mais comme le jeune Léonard montre vite des facilités dans l'art, le géniteur va le faire entrer dans l'un des tous meilleurs ateliers de Florence pour étudier. Il faut bien imaginer qu'à cette époque à Florence l'art est à tous les coins de rues, c'est à celui qui aura le plus bel hôtel particulier, la plus belle chapelle, et les carnets de commandes ne désemplissent pas.



Au bout du corridor on change d'époque
   Malgré des débuts remarquables, tous les grands projets lui passent sous le nez, avec comme pic de frustration le chantier de la chappelle Sixtine qui va à son grand ennemi Michelangelo. Il finira par se faire remarquer, mais en se faisant attraper à batifoler avec d'autres garçons, ce qui est un crime très grave. L'affaire sera étouffée car il devait y avoir des "fils de" dans le groupe, mais le scandale est là, et il est temps de partir sous d'autres cieux se faire oublier.  


La chambre du Maestro

Sur la route    

     
     A partir de là Leonard ne cessera de voyager, avec son compagnon et son équipage, au grès des désirs de mécènes, pour qui il organisera des fêtes et des spectacles hors normes (le Duc de Milan, Laurent de Medicis ou encore Cesar Borgia pour ne citer qu'eux, ambiance séries Canal+). Car Leonard est avant tout un savant et un ingénieur d'exception, il passe le clair de son temps libre à observer, à modéliser, à innover. Son côté génial, c'est vraiment cet aspect pluridisciplinaire: anatomie, physique, optique, architecture, génie civil et militaire, sans parler des arts et de la philosophie,  Da Vinci est avant-gardiste dans tous les domaines des sciences et des arts.  
 

L'atelier, le modèle sur le Saint Jean Baptise (à droite) est sans doute son apprenti (et probablement amant) Salai
   Il n'est jamais allé à l'école et donc ne lit ni le grec ni le latin, ce qui pour un savant est un frein. Ambidextre, il croque et consigne toutes ses inventions dans ce qui deviendra le codex atlantico, il utilise pour annoter l'écriture spéculaire (écriture inversée, comme dans un miroir). Il ne reste aujourd'hui qu'une petite quinzaine d'oeuvres, dont la Cène, l'Homme de Vitruve, et bien sûr la fameuse Joconde, véritable rock-star du Louvre parisien.
 

Retour dans les jardins

La période Frenchy    

     
     En France à la même époque ça ne rigole pas, on sort d'un Moyen-Age sombre et terriblement compliqué. On se dit qu'il est alors temps d'alléger l'atmosphère et de refaire un peu la déco, en allant s'inspirer chez les voisins transalpins, c'est le début des guerres d'Italie.
 
     Charles VIII, Louis XII et l'incontournable François 1er vont, tour à tour, traverser les Alpes pour faire valoir leurs droits (un peu fumeux) sur les différents royaumes et duchés de la péninsule (1515 c'est... ?).

       Pour une fois que Léonard était sur le point de terminer une oeuvre majeure, le moule d'un cheval colossal pour le Duc de Milan était prêt, il n'y avait plus qu'à couler le plomb... Sauf que tout le plomb disponible a été réquisitionné pour combattre les armées françaises, et "grand cavallo" en argile finira tristement, en servant de cible à des arbalétriers  français qui s'ennuyaient. Quand ça veut pas...
 

Nicholus Magnus, aurait fondé la mystérieuse  Niko Foundation en 1516, de retour de la campagne milanaise.

      "Sans peur et sans reproche" la french team ne fait pas dans la dentelle, Louis XII grand fan de la Cène, aurait proposé d'arracher le mur du couvent et de le ramener en France comme souvenir de voyage. Il a fallu faire preuve de grande diplomatie...
 
      Mais c'est Francois 1er qui va convaincre le Maestro, déjà âgé de 65 ans, d'entrer à son service (en échange d'un très bon salaire) et de venir s'installer à Amboise dans le confortable manoir du Clos Lucé, relié par un tunnel souterrain au Château Royal.
 
     Léonard va se rendre en France en emportant avec lui seulement trois tableaux, dont évidemment la Joconde, dont personne ne sait exactement qui elle représente, mais qui reste le portrait féminin le plus célèbre au monde.
 

Le potager, et au loin le château royal
     Parmi les pistes: Lisa Del Giocondo, l'épouse d'un obscur notable florentin. Peut-être la mère du Maestro, dont il s'est probablement occupé jusqu'à ce qu'elle disparaisse. Enfin, certains avancent que la Joconde pourrait être un portrait du sulfureux Salai, apprenti et compagnon du Maître, qui était plutôt efféminé. Beaucoup d'incertitudes donc, mais Da Vinci prenait plaisir à entourer sa vie d'un voile secret.
 
     Leonard va travailler comme premier peintre, premier ingénieur ,et premier architecte  du Roi de France ,avant de s'éteindre. Il a sans doute contribué à la folie de Chambord, mais est mort avant le début des travaux.
    

Comme souvent, j'ai effectué des recherches poussées dans les bibliothèques du monde en entier

    Au final une chouette escapade au coeur de la belle région de Tours et de ses fabuleux châteaux. Malgré la canicule les jardins du Clos Lucé restent très agréables, avec partout des références aux oeuvres et inventions du Maestro. Sur Amboise, à l'écart des  restos "rabords du château", une belle découverte pour déjeuner : les Arpents, avec un menu "retour du marché" super sympa et plus qu'abordable.
 
    A suivre: on  va laisser un peu la carte postale, pour retourner dans un Paris plus underground
 
    Bonne soirée, bon weekend
 
     N.