samedi 21 juillet 2018

D'une Bagatelle, au diapason du Monde

    "Entre ici Didier Deschamps, avec ton terrible cortège de victoires..." Nous n'en sommes heureusement pas  là, mais cette victoire en coupe du monde a au moins le mérite d'avoir réveillé notre vivre ensemble, et d'avoir mis une petite sourdine au french bashing. Mais pour l'instant retour à nos chemins de traverses, avec une balade dans l'un des plus beaux jardins de Paris, sans doute le plus discret, et c'est tout sauf un hasard.


   Caché au cœur du Bois de Boulogne, loin des sentiers touristiques, on ne tombe pas sur le Parc de Bagatelle par hasard. L'endroit n'est pas des plus passants (sauf peut être pour certains habitués des romances éphémères tarifées) et relativement mal indiqué; mais avec une carte et un peu de chance on finit par tomber sur l'une les deux entrées plutôt discrètes, et qui ne laissent rien présager de la beauté qui se cache derrière.

Le parc et son kiosque chinois
   
     S'il faut marcher dans le bois pour rejoindre le parc, la bonne nouvelle c'est qu'à mis parcours on peut trouver la Fondation Vuitton qui vous emmène au diapason du monde dans son vaisseau de cristal.

     Ambiance jardins secrets, verre et acier, c'est parti... 

Une Bagatelle au cœur du Bois 

       
     Être chargé de com ou community manager du Parc de Bagatelle, c'est un peu comme être photographe sportif au Monde, batteur chez les ZZ-Top, ou encore scénariste des cultissimes Police Academy: on est un peu préservé du burnout.

Les nymphéas et le château
        Mais si l'endroit reste si discret c'est sans doute lié à son histoire. En effet dès 1720 la propriétaire, épouse frivole d'un Maréchal de France, et son amie Louise Anne de Bourbon-Condé,  y organisent les soirées galantes et de débauche les plus courues. On imagine les "Tu vas encore chez cette pimbêche de Bourbon-Condé ce soir !! Mais quel est ce nouvel engouement pour les soirées philo, que je n'apprenne pas que vous en profitez pour boire..." .

Certains habitués des lieux dégagent un parfum mystérieux et anachroniques
        Le château est bientôt surnommé "bagatelle", et les deux libertines, comprenant qu'elles peuvent joindre l'utile à l'agréable, ont vite fait de convier le regent puis le jeune Louis XV aux parties fines.  Fournir le roi en maîtresses c'est s'assurer de jouer un rôle en politique; déjà à l'époque la méritocratie tourne à plein régime.

     Le domaine passe par la suite entre plusieurs mains,  jusqu'à ce que le Compte d'Artois, le frère de Louis XVI, en fasse l'acquisition. On est en 1775, Louis XVI est fraichement couronné, Marie Antoinette a 20 ans et ne pense qu'à s'amuser.

L'orangerie abrite des concerts de musique classique
      A cette époque, le pavillon est en très mauvais état. Marie Antoinette, qui a le sens des priorités, défie alors son beau frère: "Trop pas cap le beauf' de construire un château en moins de trois mois, et qui soit digne des grosses fiestas à venir"

     Le Compte d'Artois,  frivole mais pas frileux, paria 100000 livres (et pas des bouquins) et releva le défi. Soixante quatre jours plus tard le chantier est achevé avec en plus de beaux jardins, le beauf a pari gagné, par ici les soirées...

Chantier éclair pour la Folie d'Artois
     Pendant ce temps la vague monte (petit clin d'œil à un finaliste malheureux de la présidentielle 2012), le pays va mal, et de l'autre coté de l'atlantique les colonies américaines commencent à renverser la table. L'inévitable Révolution va finir par chasser tout ce beau monde du château.
    
La roseraie où les futurs mariés aiment se faire tirer le portrait
Quand on est passé dessous il s'est transformé en alarme incendie

    Après la Révolution le domaine va tomber dans l'oubli. Le reste de son histoire est moins funky et, après avoir frôlé l'abandon, le Parc de Bagatelle a ressuscité et fait aujourd'hui partie du Jardin Botanique de Paris. L'endroit reste confidentiel et mérite vraiment une petite visite, difficile aujourd'hui d'imaginer que ce cadre onirique a été le théâtre de soirées  de débauche sous l'ancien régime. 

Viens là l'oiseau, que je te tague sur Insta
    Pour moi l'heure idéale pour arriver à Bagatelle est la fin d'après midi. La balade est zen et romantique; entre les kiosques, les miroirs d'eau et les cascades on change d'endroit et d'époque. On croise partout des paons (she shot me down..) et avec un peu de chance ils font la roue, moyennant quelques euros ou un ticket resto.  

Au Diapason du Monde   

   Venir à Bagatelle c'est aussi l'occasion de s'arrêter à la Fondation Louis Vuitton qui se trouve à mi-chemin depuis la station de métro des sablons. En ce moment et jusqu'à la fin août, la Fondation propose "Au Diapason du Monde" une expo qui adresse le modeste thème de la place de l'Homme dans l'univers.

Au diapason du monde
  Même si j'ai souvent du mal à faire le lien entre le thème et les oeuvres exposées,  "Au Diapason du Monde" est pour moi l'expo coup de cœur du début d'été. Trois mondes, deux voyages,  des peintures, des sculptures, d'autres choses moins identifiables qui doivent aussi finir en "ure". Si les oeuvres questionnent, intriguent et dérangent comme ce cheval embaumé pendu au plafond, la balade est particulièrement esthétique, et l'écrin est magnifique.


Pas mal de films bien psychés jalonnent le parcors
   Sans trop spoiler, tout est à voir mais il y a deux choses à ne surtout pas rater:  les galeries kawai et saturées de Murakami; et Nightlife, un film 3D immersif complètement  psychédélique d'un certain Cyprien Gaillard. Le refrain en boucle "I was borne a looser" de Alton Ellis achève de vous hypnotiser, c'est carrément génial.


Une des galeries Murakami
   Si vous êtes sur Paris cet été n'hésitez pas à opter pour la Bagatelle, avec pourquoi pas un stop à la Fondation pour se mettre en résonance au Diapason du Monde.

   Bon we

    N.

vendredi 13 juillet 2018

Monnaie Monnaie Monnaie ♫

     Dans la culture d'entreprise il y a toujours une petite fierté à bosser pour une boite ayant une certaine histoire ou longévité; ça peut surprendre mais on trouve encore aujourd'hui des sociétés, par exemple Saint-Gobain, qui existaient déjà sous Napoléon. Mais au jeu de "ta boite est tellement vieille que son numéro SIREN c'est 1" il y a un gagnant incontestable et qui met tout le monde d'accord.

Cour d'honneur et arbre métallique
    Ce grand vainqueur qui étend en bord de Seine sa façade discrète, presque austère, c'est la Monnaie de Paris, la plus ancienne entreprise de France L'institution, toujours en activité et dont le rôle est de "battre monnaie" comme on dit dans les endroits jeunes et branchés, a été fondée en... 864 par Charles II dit le Chauve, petit fils de Charlemagne et futur Empereur d'Occident. Coté startup, on est plutôt Vallée de Dana (lalilalaa) que Silicon Valley.  

Derrière la façade austère, la plus vieille boite de France
     La bonne nouvelle est qu'après être restée longtemps fermée au public histoire de ne pas trop mixer culture et braquage, depuis quelques années le lieu se visite. C'est l'occasion de tout comprendre sur la monnaie, tout maîtriser du sou au denier, mais sans garantie hélas de ne plus jamais se laisser refiler une fausse pièce par votre boulanger préféré. Cerise sur le magot, la Monnaie expose pendant tout l'été des oeuvres de l'artiste indien Gupta; ambiance "Monnaie for nothing, Shiva for free" c'est parti...    

L'escalier d'honneur, le truc bizarre qui semble sortir du mur fait partie de l'expo Gupta
Le Musée de Conti

    

     Il faut se rendre à l'évidence, avec l'évolution des moyens de paiements électroniques la frappe de la monnaie n'est pas un marché en pleine expansion. Consciente des gros défis(cits) à venir, La Monnaie a entrepris une grande "MetaLmorphose" (nom du projet) qui s'accélère ces dernières années. 

Graveurs, ciseleurs, patineurs... 
    La production des euros et des monnaies étrangères a été transférée à l'usine ultra sécurisée de Pessac (et oui une quarantaine de pays font frapper leur monnaie chez nous, quand vous balancez quelques baths dans le BTS de Bangkok c'est du made in France).

Derrière les colonnes et les dorures, l'usine "deux point z'euros"

    Si l'institut parisien se consacre toujours aux bijoux et aux pièces précieuses, il est en train de s'offrir une seconde jeunesse en se transformant petit à petit en centre d'art, avec son musée, ses expos temporaires, son restaurant gastronomique et ses cafés. Un palais néoclassique hébergeant une manufacture c'est sans doute unique au monde, et l'idée de l'ouvrir enfin au public va certainement permettre de le sauver. 

 
La salle des trésors, ambiance gang des postiches

     Le Musée de Conti (du nom du quai) propose une balade permanente à travers les époques, depuis les premières frappes au marteau jusqu'aux dernières technos de grand monnayage, mais sans se limiter heureusement à la conception des pièces. Ici on raconte tout ce qui tourne autour de la monnaie: ses métaux précieux, son histoire, son rôle, son pouvoir politique et même marketing; comment les gouvernants font passer leurs idées dans les visuels bref, tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur la Monnaie sans jamais avoir osé le demander. On peut même frapper une pièce au marteau et admirer le résultat virtuel sur un écran; l'équivalent du jeu de mailloche qu'on trouve dans les foires mais avec un verni intello... 

Un musée un peu confidentiel où l'on ne se marche pas dessus
Ambiance village dans le café de la cour
     La visite est instructive, on en ressort avec au moins la chanson d'ABBA dans la tête, mais sans avoir hélas percé le secret qui permet de gagner à coup sûr au pile ou face. A la sortie on peut s'arrêter au magasin jeter un œil aux pièces de collections, le mondial 2018 est évidemment à l'honneur.


Idée cadeau, cette jolie pièce d'une valeur de 10000 euros que j'ai piquée... sur leur site 
J'ai été plus raisonnable en optant pour un magnet que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître
     Il est maintenant temps d'aller visiter les salons d'honneur pour l'expo de Gupta.

"Adda" par Subodh Gupta
  
     Gange, Gandhi, Compagnie des Indes, intouchables, comptoir de Chandernagor, Taj Mahal, Geronimo, Bollywood (rayer l'intrus)... Si comme moi votre culture indienne reste perfectible et se résume dans les grandes lignes à une pratique intense du cheese naan et des bières Indian Pale Ale (les fameuses IPA dont la légende raconte qu'elles ont été dopées au houblon afin de tenir les quatre mois de voyage depuis l'Angleterre vers les Indes Britanniques), alors il est peut être temps de soigner son karma, d'ouvrir les chakras, et d'aller honorer le rendez vous que propose l'artiste indien Subodh Gupta dans les salons d'honneur du palais.

Salon d'honneur, un crane en... je vous laisse vérifier par vous même
   La promenade est surprenante sans être ni dérangeante ni torturée, l'écrin est magnifique. L'artiste pluridisciplinaire travaille beaucoup le métal et plus particulièrement  l'acier inoxydable, ce qui donne des oeuvres qui tranchent avec le classicisme des salons. Je n'en dis pas plus pour ne pas "spoiler", l'expo se termine fin août.
 
Or et Bleu, vive la Suède
Vertigo
   La Monnaie de Paris fait partie de ces lieux  un peu confidentiels comme je les aime, loin derrière les blockbusters Louvre, Orsay et autres où les touristes se pressent; elle mérite qu'on aille lui rendre une petite visite de courtoisie. Ce serait dommage de ne faire que le Musée, il faut attendre la bonne expo pour faire un combo, toutes les infos pour organiser sa visite ici

   Bon weekend, et allez les bleus

    N.